21grammes
Sédentarisé à l’excès, assis sur une chaise la plupart du temps, le dos courbé sur l’écran, l’homme est soucieux de ne pas perdre le rythme d’une société hystérique. Il se déplace avec ses pairs grâce à des moyens de locomotion magnifiques et perfectionnés qui lui assurent d’arriver au plus vite d’un point A à un point B. Le but vise à être rentable de sorte que la quantité considérable de tâches à accomplir chaque jour au travail et dans la vie soit faite à temps pour satisfaire au mieux la déesse performance.
On s’entasse dans des trains, des avions, des bus surchargés, lorsque cela n’est pas notre propre moyen de déplacement qui accélère le temps.
Les corps sont conditionnés, affrétés au profit du temps social de la communauté qui sue de ce mouvement finalement sclérosant.
La perception de notre corps en est brouillée.
Nous ne nous écoutons plus. Nous émettons sans cesse via les réseaux dits sociaux et autres piaillements. Une loghorrée permanente inonde et englue la mobilité physique et mentale au profit d’un gigantesque magma d’informations.
Quid de notre façon de toucher, de voir, d’entendre, de bouger ?
Quid de notre sensitivité et de notre perception de l’autre, de ce qui nous entoure?
Pierre Rabhi * parle justement d’ «une machine qui harcèle le citoyen et distille en lui une insidieuse anxiété, le tétanisant, infligeant raideur et douleur à un corps sans cesse malmené par ses desideratas quotidiens: du haut en bas de la hierarchie sociale, ce ne sont qu’êtres, dont la vie est jusqu’à son terme, dévolue à la productivité.»
Danser devient alors un acte de résistance.
Le corps est mis à l’épreuve d’une autre temporalité, d’une autre durée.
Casser le rythme, exploser les répères normatifs, retrouver le souffle et l’élan.
N.Artufel
*in Vers la sobriété heureuse . Actes Sud 2010.
Photo: Hélène David